Rallycross France: Flashback // André Péan et les années Citroen

De 1997 et la création du premier Challenge Saxo Rallycross jusqu'au terme de l'ère Citroen sur le front du championnat de France de Rallycross dix ans plus tard, André Péan fut un des piliers de l'investissement de la marque aux chevrons à une époque où la discipline était encore victime d'une chronique friche médiatique. Si depuis, les temps ont bien changé pour un Rallycross désormais propulsé sur le devant de la scène dans le sillage des stars du championnat du Monde FIA, l'ancien responsable des formules de promotion se remémore avec plaisir une période qui n'avait pas manqué de faire éclore quelques talents de premier choix. Des pionniers emmenés par Marc Amourette, Pierre Llorach ou encore Laurent Chartrain, bientôt imités par les Olivier Anne, Sébastien Seveau, Julien Debin, Samuel Peu, Bertrand Divaret et Jean-Sébastien Vigion pour ne citer qu'eux, ils sont nombreux à avoir fourbi leurs premières armes en Rallycross au sein des formules de promotion de la marque aux chevrons. Il faut dire qu'avec une carotte plus qu'alléchante propulsant le vainqueur du challenge en qualité de pilote officiel Citroen l'année suivante, les prétendants ne manquaient pas. Une époque que n'a pas oublié André Péan. Désormais rangé des affaires sportives, l'ancien patron des formules de promotion Citroen conserve un souvenir pour le moins ému de la grande aventure des rouges dans les rangs du Rallycross tricolore. « J'ai vécu quelques moments chauds pendant toute cette période passée à la tête des formules de promotion Rallycross. Je me souviens notamment d'une finale B sur le circuit d'Essay où, sur les voitures positionnées sur la grille de départ, seules quatre d'entre-elles avaient réussi à franchir le premier virage. J'ai aussi eu des tentatives de « bastonnage » dans le paddock, des pétitions pour empêcher un pilote de s'aligner sur l'épreuve de Luneville. Bien souvent, j'ai été contraint de recadrer tout ce petit monde, mais une fois la mise au point effectuée, tout rentrait rapidement dans l'ordre en même temps que les esprits finissaient par s'apaiser souligne André, faisant ainsi ressortir à merveille le contexte d'une période où les jeunes loups du Rallycross tricolore ne nourrissait qu'un seul et unique objectif : remporter le titre et ainsi enfiler la fameuse tunique rouge de pilote officiel Citroen l'année suivante. Soit une récompense de taille à une époque où Citroen, après une période faste en Rallye-Raid, avait déjà flairé le bon coup en investissant une discipline aux qualités manifestes, tout en perpétuant un engagement qu'elle entretenait déjà de longue date grâce aux relations fructueuses, et riches en titres, nouées quelques années plus tôt via les mastodontes que représentaient alors Kenneth Hansen et Jean-Luc Pailler. « En 1998, je suis devenu responsable des formules de promotion Citroen sur le Rallycross, avec la Saxo tout d'abord, puis avec la C2 par la suite. Par ce biais, j'aiégalement eu la chance de découvrir une discipline que je ne connaissais pas, en prenant également les rennes des challenges Citroen Saxo Kit-Car et C2 dans le cadre du championnat de France des Rallyes. Même si je n'ai jamais personnellement pratiqué la compétition, ce fut assurément des moments fabuleux que j'ai eu la chance de pouvoir vivre. Cela m'a permis de côtoyer des gens talentueux, tant sur le plan sportif que sur le plan humain. » souligne André, avant de poursuivre : « Si j'ai voulu entrer dans le monde de la compétition chez Citroen, c'est uniquement parce que j'étais convaincu que c'était par ce biais que nous pouvions dépoussiérer l'image de la marque. Pour le coup, je ne m'étais pas trompé. Je me souviens encore d'un jeune homme nommé Sébastien Loeb franchissant la porte de mon bureau, me demandant si les formules de promotion seraient capables de l'emmener au plus haut-niveau du Rallye mondial. C'est une période que Seb n'a clairement pas oublié, et dont il nous arrive de reparler lorsque nous nous croisons. Cette période représente une véritable satisfaction personnelle car je sais que même à humble niveau, j'ai un peu participé à cette aventure. J'ai toujours adoré la compétition, mais il faut également préciser que je suis tombé dans la marmite du Rallycross grâce à Jean-Luc Pailler dès la saison 1987. J'ai vécu toute cette époque à ses côtés se remémore le maître de cérémonie des formules de promotion Citroen. Ce dont André Péan ne se doutait pas, c'est que la seconde édition du Challenge Citroen Saxo allait contribuer à sceller une amitié profonde avec un pilote déjà bouillonnant et à la personnalité affirmée. A l'époque, Laurent Chartrain venait de marquer de son empreinte la discipline suite au duel à couper le souffle qui l'opposait à un certain Pierre Llorach et dont le scénario explosif n'avait d'ailleurs pas manqué d'ambiancer une formule de promotion déjà promise à des luttes épiques. « Laurent et Pierre faisaient partie de cette génération de pilotes talentueux. Ils étaient dans la lignée des Jean-Luc Pailler et des Michel Liger. Laurent a baigné dans cette atmosphère et il a d'ailleurs conservé un certain charisme que n'ont peut-être pas, ou moins, les pilotes de la nouvelle génération » Pour autant, le chapitre Citroen dans les rangs du championnat de France de la spécialité ne fut pas, bien que riches en émotion, un long fleuve tranquille. « J'ai passé neuf ans à m'occuper des formules de promotion Citroen, et je dois bien avouer que lorsque je regagnais mon domicile le dimanche soir, j'étais complètement exténué. Il fallait gérer les pilotes et leurs familles, les mécaniciens en plus de ce qu'il se passait sur la piste et ses à côtés. Et naturellement, dès qu'il se passait quelque chose, c'était moi qui était désigné en qualité de principal responsable s'amuse André. « Mais au delà de ça, je suis convaincu que tous les pilotes qui ont baigné dans ces années « challenge » n'en conservent que des bons souvenirs. C'était un véritable esprit de famille qui régnait à l'intérieur de ces formules de promotion, et ce, en dépit de toute l'agitation que pouvait susciter la compétition. Et puis, il y a eu de belles histoires et des rencontres qui se sont poursuivies au delà des circuits comme Stéphanie Liger et Olivier Anne. Nous avons vécu comme une véritable famille pendant toutes ces années. Certes, comme dans toutes les familles, il y a eu des hauts et des bas, mais ce fut une sacrée période de ma vie » Hélas, l'arrêt des formules de promotion marquées de l'empreinte de la marque aux chevrons se conclura sur un ultime titre décroché par Samuel Peu au terme de l'exercice 2006, mettant ainsi un coup d'arrêt à l'hyperactivité et à la passion déployées par André Péan auprès de ses pilotes. Une rupture consommée sur fond de tensions internes, dont les stigmates se font toujours sentir à l'heure actuelle. «Cette période à l'écart du Rallycross, je l'ai très mal vécue. J'ai beaucoup de mal à me taire quand je vois des choses qui ne me plaisent pas. A l'époque, je faisais parti d' une structure dirigée par Guy Fréquelin. Les restrictions budgétaires ont poussé la direction à se séparer d'une cinquantaine de personnes. En tant que délégué du personnel, je m'y suis fermement opposé. Même si je ne le regrette pas, j'ai commis l'erreur, en pleine réunion, de m'adresser frontalement à Guy Fréquelin. Ces licenciements se faisaient en raison d'impératifs économiques, et je trouvais dommage qu'il n'ait pas eu le temps de recevoir ces 50 personnes, pour leur détailler en deux ou trois minutes les raisons de leur mise à l'écart. Je pense qu'il aurait été utile de leur préciser qu'on ne remettait pas en cause la qualité de leur travail, mais que leur licenciement était simplement dicté par des contraintes budgétaires. Fréquelin aurait dû les remercier pour tout ce qu'ils avaient fait pour Citroen Sport durant toutes ces années, mais il a préféré s'en passer se souvient André. "Malheureusement, mon intervention a été notifiée dans le procès-verbal de la réunion, et je suis un peu passé pour le vilain petit canard. Puis, au moment de l'arrêt des formules de promotion, je me suis de nouveau mis en travers de la route de Guy Fréquelin. Bref, j'ai rapidement eu une réputation de « gratte-cul », et on m'a fait comprendre qu'avec l'arrêt des formules de promotion, il serait peut-être utile que je me range un peu des affaires, et sans trop faire de bruit si possible. J'aurais peut-être dû taire mon ego et faire le dos rond à cette période, ce qui m'aurait certainement permis de rester chez Citroen Sport. Mais quand j'ai vu le contexte, j'ai préféré partirparce que j'avais la sensation que je n'étais plus le bienvenu. D'ailleurs, quand je repense à cette époque, j'en ai toujours les larmes aux yeux » « J'ai toujours la sensation d'avoir été victime d'une injustice. Je pense que j'aurais peut-être dû mettre un mouchoir sur mon orgueil. En revanche, je sais que j'ai défendu mes pilotes jusqu'au bout, que ce soit en Rallye ou en Rallycross, et c'est certainement une chose dont je peux être fier. Je sais que je peux me regarder dans une glace sans avoir la sensation d'avoir trahi mes convictions, et ce, même si j'ai payé cette attitude au prix fort. Je me dis que (très ému), j'en récolterais peut-être les fruits un jour prochain" souligne André , qui malgré la douleur générée par son élan de sincérité, se verrait bien repartir à l'assaut d'une aventure humaine aussi vertueuse que celle engendrée à l'orée des années 2000. « J'étais le garant de l'équité sportive et technique. J'ai mis des gens « dehors » parce que leurs voitures n'étaient pas conformes, mais mon souhait, et c'est bien légitime, c'est que ce soit la vérité de la piste qui triomphe, et pas autre chose. Cela fait assurément partie des plus belles années de ma vie, et aujourd'hui, la seule envie qui m'anime, c'est de pouvoir repartir dans de telles aventures. Il est vrai qu'à côté de ce que nous avons pu vivre, la vie peut parfois me sembler un peu fade. Si Citroen Racing me proposait de repartir à l'assaut d'une formule de promotion, je n'hésiterais pas une seule seconde à rempiler. J'ai encore la fougue de mes 30 ans pour ce genre d'aventures. Tous ces pilotes sont devenus mes amis. Les Bertrand Perraudin, Pierre Llorach, Olivier Anne … etc ... Certes, il fallait un minimum d'autorité : une main de fer dans un gant de velours. Je le faisais avec le sourire, mais j'étais absolument intraitable sur certaines choses que je ne pouvais pas accepter. Cela ne m'a pas empêché d'être pleinement respecté par tous les animateurs des formules de promotion. Honnêtement, je n'attends qu'une seule chose, c'est que ça reparte »