Pour la première fois de l'histoire de la discipline, c'est au Canada que le RallycrossRX s'apprête à mettre le cap pour la 7ème manche du championnat du Monde FIA. Alors que les équipes engagées sur le front du WRX viennent de terminer les derniers préparatifs qui devraient leur permettre d'envoyer leur matériel en direction du Québec et de Trois-Rivières au cours des prochaines heures, de notre côté, nous vous proposons de découvrir l'envers du décors d'une épreuve qui risque bien de marquer les annales de la discipline.
Le sang de Jean-Michel Leroy n'aura fait qu'un tour. Alors que des bruits de plus en plus insistants autour de l'éclosion du premier championnat du Monde de Rallycross de l'histoire firent leur apparition au début de l'été 2013, l'ancien journaliste du quotidien L'Equipe apprend au détour d'une conversation avec Martin Anayi, que le promoteur du RallycrossRX est toujours à la recherche d'un site à même d'accueillir une éventuelle manche du championnat du Monde 2014 en Amérique du Nord. Immédiatement, Jean-Michel Le Roy prend contact avec son compère québécois, Dominic Fugère qui, bien que spécialiste des médias, se trouve aussi être le directeur général du Grand-Prix de Trois Rivières sur les rives du fleuve Saint-Laurent. Une destination bien énigmatique pour tout amateur de compétition d'off-road qui se respecte, mais qui le demeure beaucoup moins pour les spécialistes de l'asphalte.
Créé en 1967, le Grand-Prix de Trois-Rivières s'est rapidement une réputation de dénicheurs de talents. Il n'y a d'ailleurs qu'à consulter la longue liste des pilotes ayant fait leurs premières armes sur le circuit routier canadien pour s'en rendre compte. Parmi les plus illustres, difficile de ne pas retenir les noms de Gilles Villeneuve, James Hunt, Bobby Rahal, Alan Jones, Patrick Tambay ou encore, Jacques Villeneuve, Hélio Castroneves, Tony Kanaan et Christiano Da Matta pour la période la plus récente.
De même, les championnats les plus populaires d'Amérique du Nord ne manquent pas de croiser la route du tracé québécois, de l'IndyCar à la NASCAR, en passant par la série ALMS, rares sont les séries de prestige à ne pas s'être offert une étape sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, située à mi-chemin entre Québec et Montréal.
Difficile alors de résister à la tentation de partir à la découverte de la première étape "hors-europe" du championnat du Monde 2014, et sur les raisons qui ont poussé les organisateurs du GP3R à accueillir une discipline parfaitement inconnue il y a encore quelques mois au Canada, si ce n'est par quelques incursions sauvages du Global Rallycross Championship sur les écrans de télévision québecois.
Troisième pays francophone a accueillir une étape du championnat du Monde en compagnie de Lohéac et du circuit belge de Mettet, le GP3R sera également une expérience inédite pour la discipline. Non seulement, le Rallycross sauce FIA sortira de ses frontières continentales pour la première de son histoire, mais en plus, le sport y sera intégré à un authentique festival des sports mécaniques, le GP3R accueillant généralement plus de 130 000 spectateurs par an. Dans ce contexte, qui mieux que Dominic Fugère, le manager general du GP3R pouvait nous rencarder sur le rendez-vous le plus populaire de la saison sportive canadienne.
Et franchement, nous n'avons pas été déçus. Là où la France se caractérise par une hypocrisie sélective, tendant à attribuer à l'automobile tous les maux possibles et imaginables, et où une nuée de "verts" "bon chic, bon genre" se plaisent à étouffer à coup de recours juridiques toute initiative qui ne conviendrait pas à leurs impérieux desseins, relevant d'ailleurs plus du messianisme que d'une véritable culture écologiste, le Québec se révèle quant à lui comme une véritable bouffée d'oxygène pour nos esprits étriqués.
"Pour la ville de Trois-Rivières, le GP3R représente le moteur économique le plus important. Le maire de Trois-Rivières est d'ailleurs un grand fan de sport automobile, et il n'a pas tardé à saisir l'intérêt que d'avoir un tel événement dans sa ville, au point d'avoir pris lui-même le volant lors du Grand-Prix. Pour un montant de moins d'un million de dollars, le retour sur investissement est sans appel pour la ville. Par exemple, l'année passée, le bénéfice réalisé fut d'environ 15 millions de dollars. C'est d'autant plus une fierté pour Trois-Rivières, que notre Grand-Prix ne fonctionne qu'avec l'appui de bénévoles. Sans les 650 personnes qui donnent de leur temps, rien ne serait possible. Toute la ville se mobilise et vit au rythme du Grand-Prix tout au long du week-end. Il faut être clair, le GP3R, c'est l'événement de l'année" note Dominic, qui ne manque de vanter le cadre attractif du GP3R tout autant que le franc-soutien sur lequel peuvent s'appuyer les organisateurs.
"A seulement un kilomètre du circuit, tu te retrouves sur les rives du fleuve Saint-Laurent avec un immense parc. Dans toute la ville, des animations fleurissent le week-end du GP3R, avec une grande-roue, des feux d'artifices tirés depuis le milieu du fleuve. Les restaurants et les hôtels sont pleins. A chaque fois, on ne peut que remercier l'ensemble des habitant de mettre tout en oeuvre pour attirer des gens venus du monde entier. Il y a un réel consensus et un véritable engouement populaire pour cet événement. Cela participe à la vie économique de notre région, et on reçoit d'ailleurs le soutien de notre député local, qui se trouve également être le ministre du développement économique. Peu importe la couleur politique des équipes municipales en place, le GP3R demeure un événement qui s'inscrit au sein de la communauté et qui participe à son dynamisme depuis 45 ans"
Pourtant, si le FIA World Rallycross s'établira pour la première fois au Canada au mois d'août prochain, il va sans dire que Dominic, bien qu'au fait de l'existence de la discipline n'avait, jusque-là, pas réellement pris conscience de la dimension du Rallycross.
"Jean-Michel Le Roy et Julien Fébreau sont des amis de longue date. On s'est rencontré dans le cadre de nos métiers respectifs lorsque l'on couvrait les 24 Heures du Mans ou d'autres événements de ce type. Jean-Michel m'a toujours parlé de Rallycross, tout comme Julien Fébreau, qui officiait à l'époque sur les ondes de la radio RMC. Et très franchement, à chaque fois qu'ils évoquaient le sujet, je voyais bien que leurs yeux brillaient. Pour eux, c'était un peu le nirvana du sport automobile. Je reconnais que, d'un point de vue personnel, je prenais ça un peu à la légère. Pour moi, ce dont ils me parlaient ressemblait plus à une course de garagistes qu'à autre chose. Et puis, tout a basculé lorsque Jean-Michel a fait la connaissance de Martin Anayi à Lohéac. Anayi cherchait absolument à être présent sur le continent américain, mais il ne savait pas vraiment vers quelle destination se tourner. Jean-Michel m'a donc contacté pour me demander si je ne connaissais pas un circuit à même d'accueillir une telle épreuve. C'est là que j'ai immédiatement pensé que Trois-Rivières avait le profil idéal puisque nous disposons d'un hippodrome que nous pouvions facilement aménager pour ce genre de compétition avec suffisamment de terre battue pour convenir aux spécificités de la discipline. On ne partait donc pas de zéro" note le general manager du GP3R.
Certes, si la mise en relation entre IMG et les organisateurs du GP3R, il n'en demeure pas moins que les équipes de Trois-Rivières ont dû sérieusement s'employer afin de poser les bases d'un tracé qui soit en adéquation avec les normes imposées par la FIA.
"Ensuite, tout s'est enchaîné relativement rapidement, et nous avons finalement reçu l'homologation de la FIA le 16 mai dernier. Nous avons bénéficié du concours de Roger Pierte, un cadre de la FIA pour le Canada. Ce fut un réel honneur que de travailler avec un personnage de ce calibre. Il voit tout et pense à tout. Certainement que sa vision des choses enlève un peu le côté spectaculaire de notre circuit initial, mais au moins, nous rentrons dans le cadre des normes de sécurité imposées par la FIA. Si Roger Pierte n'avait pas été à nos côtés, certainement que le Rallycross n'aurait jamais vu le jour à Trois-Rivières. Il nous véritablement facilité la tâche. On a travaillé sur le design du circuit avec nos équipes et notre designer, Marc-Andre Gelinas. On a essayé de coucher sur le papier tous les concepts que nous avions en tête, et finalement, la 11ème version fut la bonne.
Frappés par le Rallycross
Présents au Portugal lors de la manche d'ouverture du championnat du Monde, les organisateurs du GP3R sont ressortis littéralement bluffés de leur expérience au cœur du RallycrossRX.
"Je remarque que le niveau atteint par les équipes inscrites dans ce championnat du Monde sont d'un professionnalisme absolu. Et quand on regarde le niveau de compétitivité des pilotes sur la piste, le spectacle ne peut-être qu'au rendez-vous. Quand vous jetez un oeil aux structures du Hansen Motorsport, de Solberg ou d'Albatec, il est clair que nous n'avons pas à faire avec des amateurs. Rien n'est laissé au hasard et le moindre petit détail est pris en compte. Il ne faut donc pas s'étonner de voir que le championnat du Monde soit d'aussi bonne qualité"
Bien loin des paddocks cossus qu'il a l'habitude de fréquenter de par son métier, Dominic Fugère a également été frappé de voir à quel point la discipline se montrait ouverte aux fans. Un contexte qui cadre parfaitement avec l'atmosphère insufflée par le GP3R sur un Grand-Prix qui se veut, avant-tout, populaire.
"Contrairement à d'autres disciplines comme la Formule 1 ou l'IndyCar, ce qui me frappe, c'est le niveau de sérénité qui règne dans un paddock de Rallycross. L'ambiance est vraiment saine, et chez nous, à Trois-Rivières, c'est aussi une donnée fondamentale que nous ne manquons jamais de véhiculer lors de nos événements. Nous sommes un Grand-Prix qui se veut populaire. C'est notre marque de fabrique. En Rallycross, tout est accessible. Les pilotes se montrent disponibles pour le public, et on peut regarder les équipes travailler. Pourtant, avec l'arrivée d'IMG, on aurait pu penser que cela ne finisse par devenir une discipline plus élitiste, mais ils ont fait un travail absolument exceptionnel. Ils sont parvenus à maintenir intact l'esprit de ce sport qui existe depuis plus de 40 ans et ils ont trouvé l'équilibre parfait. Il est bien évident que s'il n'y avait pas eu le savoir faire d'IMG sur le plan du marketing, jamais nous n'aurions accueille cette épreuve à Trois-Rivières"
Des objectifs communs
"L'ambiance qui règne ici est la même qu'à Trois-Rivières.Que ce soit les spectateurs, des médias ou bien des pilotes, personne ne sera dépaysé chez nous. Avec mon équipe, nous avons tenu à être présents à Montalegre afin de voir de plus près comment les choses se passent, et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on s'est très rapidement senti à l'aise. Nous partageons les même objectifs et nous tenons à organiser de véritables événements populaires. Nous sommes très attachés à cette proximité avec le public. Au Canada, l'été est très court et nous n'avons que huit bons week-ends dans l'année. Cela signifie que lorsqu'ils viennent à Trois-Rivières au mois d'août, ils nous confient un moment important de leur année. C'est un privilège qu'ils nous font et un véritable honneur. Il est donc évident que nous ne pouvons pas les décevoir. Notre objectif, c'est que les gens repartent chez eux heureux, avec le sentiment d'avoir vécu le meilleur week-end de leur vie. Et puis, avec des pilotes de la trempe de Petter Solberg, Timur Timerzyanov, Jacques Villeneuve ou encore notre pilote local, Patrick Carpentier, on est sûr d'avoir du grand spectacle. D'ailleurs, de mon point de vue, le Rallycross représente le mariage parfait entre un événement populaire et le spectacle"
Think global, act local
Certes, là où certains peuvent encore s'imaginer qu'inscrire le nom Rallycross sur une affiche suffira à attirer les spectateurs, en fin communiquant, Dominic Fugère, à l'image du travail initié par IMG, est conscient du travail qu'un tel événement suscite en amont. Ainsi, là où François Duval, récent animateur du championnat de France de Rallycross s'est retrouvé confronté à l'anonymat le plus absolu, alors que son seul CV d'ancien pilote officiel Ford et Citroen sur le WRC aurait pu permettre à l'AFOR (l'association des organisateurs de Rallycross) de toucher un public nouveau, et peu au fait des spécificités de la discipline, cela fait bien longtemps que les organisateurs du GP3R ont saisi l'intérêt de communiquer à outrance auprès de personnages grand-public à même de susciter l'intérêt des fans.
"Le Rallycross n'apparaîtra sur la scène médiatique et sportive canadienne qu'au mois d'août prochain. Il était donc primordial de faire appel à des personnages connus du grand public comme Jacques Villeneuve ou Patrick Carpentier. Pour ce dernier, c'est un ami proche, donc je n'ai pas eu trop de mal à le convaincre. Dans le cas de Jacques, je pense qu'il était depuis quelques temps à la recherche d'un nouveau défi. On lui a souvent reproché d'être trop agressif quand il évoluait en NASCAR, alors qu'en Rallycross, cela fait partie de ce sport. C'est une discipline qui lui convient parfaitement, et il va rapidement se sentir chez lui. Le fait que la FIA accepte également la venue de voitures issues du Groupe N, une catégorie très populaire en championnat des Rallyes d'Amérique du Nord ou sur le front du championnat canadien, va également permettre à plein de pilotes locaux de s'inscrire au départ de cette épreuve en rajoutant simplement un turbo plus conséquent sur leurs voitures. Ils ne seront peut-être pas parmi les meilleurs, mais ce sera une belle occasion pour eux que de se confronter aux stars mondiales du Rallycross"
Un coup d'essai?
Avec un contrat courant seulement sur cette édition 2014 entre le promoteur IMG et les organisateurs du GP3R, il est évident que le World RX sauce québécoise pourrait avoir une suite, et pourquoi pas s'inscrire dans la durée sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent.
"Si l'édition 2014 est un succès, on resignera pour 2015 et 2016. A terme, pourquoi ne pas imaginer avoir des pilotes canadiens en mesure de s'aligner sur un championnat du Monde complet et qui pourraient avoir une chance, un jour, de gagner le Grand-Prix de Trois-Rivières. On voudrait aussi attirer des pilotes du Global Rallycross qui ne seront pas très loin de leurs bases. L'avantage, c'est que leurs voitures sont déjà aux normes FIA. Et puis, dans ce type de configuration, cela peut aussi nous permettre d'attirer de nouveaux sponsors. Sur l'édition 2014 du GP3R, le Rallycross sera au centre du spectacle, mais ce ne sera pas le seul élément majeur de notre Grand-Prix. Il faut comparer notre épreuve à ce qui se fait en France, du côté du Grand-Prix de la ville de Pau. Ce qui importe, c'est que le Rallycross nous permet de diversifier nos offres. Par exemple, l'an passé, nous avions 13 courses différentes pour 7 disciplines. On a eu de la NASCAR, du Stock-Car, le championnat canadien de voitures de tourisme, de la F4, de la Porsche GT3 et j'en passe.
GP3R: Lohéac en version Hollywood?
S'il ne fait aucun doute que la seule présence de Jacques Villleneuve en FIA World RX suffit à elle-seule à mobiliser toute une frange des fans de sports mécaniques, le succès populaire du GP3R semble déjà en route.
"On a déjà pu trouver de bons partenaires médias puisque les manches du championnat du Monde sont diffusées à la télévision sur RDS , chaîne sur laquelle je travaille. Mon vrai métier; c'est la communication et le journalisme. Je couvre déjà le championnat du Monde de Rallycross pour RDS, et je vois tout le potentiel de ce sport ! En tant que fan de sports mécaniques, quand tu découvre le Rallycross, tu ne peux que l'aimer ! Je suis sûre qu'il y aura beaucoup de nouveaux adeptes canadiens après la manche de Trois-Rivières. La culture du Québec, c'est comme celle des États-Unis, sauf que l'on y parle français. Et le sport auto est à l'image de notre région, un parfait mélange entre Europe et Amérique du Nord. Dans un rayon de 4 heures de route autour de Trois-Rivières, il y a des manches de Nascar, d'Indycar à Toronto, de F1 à Montréal, plus une quinzaine d'autres événement, qu'il s'agisse de terre ou d'asphalte. Le Grand Prix sera l'exemple parfait de ce mélange de cultures une discipline d'inspiration européenne que l'on ne manquera pas de faire découvrir à notre public. Et puis maintenant, c'est certain qu'avec la diffusion du WRX ans 816 millions de foyers à travers le monde, il y en aura encore plus qui viendront voir cela de plus près. Ce sera un peu comme Lohéac, mais en version Hollywood ! "
Et si jamais vous ne saviez pas quoi faire de votre mois d'août, vous avez désormais une bonne opportunité d'aller rendre une petite visite de courtoisie à nos lointains voisins. Outre le Rallycross, il ne fait aucun doute que le voyage en direction du Canada constitue sans aucun doute une expérience ultime.