La course de ma vie, par Julien Fébreau ...

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Régulièrement sur www.pureRallycross.com, nous revenons en détails sur les épreuves qui ont marqué la carrière sportive des personnages les plus populaires de la discipline. Avec le recul, certaines courses resteront à jamais gravées dans leur mémoire, et ils ont souhaité les partager avec nous. Cette fois, c'est au tour de Julien Fébreau de se plier à l'exercice et de nous conter "la course de sa vie".

 


 

A l'époque, je venais de faire ma première course en Super1600 sur le circuit de Lavaré où j'étais parvenu à signer le deuxième temps, ce qui m'avait permis de me qualifier sur la première ligne de la finale au côté de Laurent Chartrain. J'étais le premier surpris de me retrouver si haut dans la hiérarchie, mais je m'étais fait surprendre en finale. Je ne connaissais pas franchement bien le Super1600, et la tension de la finale aidant, mon inexpérience m'avait poussé à ouvrir les portes plus que de raison pour me contenter d'une quatrième place.
Cependant, nous avions pu observer durant le week-end que le potentiel était là, avec notamment une victoire de manche et cette deuxième place obtenue en vue de la finale. Pour autant, il n'était pas prévu que je fasse Lohéac, puisque c'est Grégory Pain qui devait être aligné sur ce rendez-vous. Puis, devant ma belle performance de Lavaré, Grégory m' a proposé de rouler à sa place avec toute la classe qu'implique un tel geste. De plus, entre les deux mois qui séparaient Lavaré de Lohéac, je venais de perdre pas moins de 22 kilos. J'avais tellement souffert d'un point de vue physique au volant de la Saxo, que j'étais bien décidé à revenir plus affûté. D'ailleurs, les gens ne me reconnaissaient même pas lorsque je suis arrivé à Lohéac s'amuse Julien.
Pour autant, j'étais venu sans aucune prétention. L'objectif était avant-tout de "faire" Lohéac, et jamais je ne m'étais imaginé que je remporterais cette course. De plus, il faut rappeler que Steven Bossard [qui partageait cette saison là son programme entre championnat de France des Rallyes et Rallycross - NDLR] était engagé sur cette épreuve, ce qui n'était pas le cas à Lavaré quelques semaines plus tôt. Il faut souligner qu'à ce moment précis, jamais Steven n'avait perdu la moindre course en Super1600. Autant dire qu'en voyant son nom sur la liste des engagés, tout le monde savait à l'avance qui terminerait sur la plus haute marche du podium le dimanche suivant.
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L'ensemble du week-end fut relativement incroyable. J'étais entouré de toute ma famille et de mes amis, et ma seule préoccupation pendant ces deux jours était que tous mes invités ne manquent de rien et qu'ils puissent profiter à fond de ce week-end. A tel point qu'on venait me dire de m'occuper de ma course plutôt que de me soucier de tout le monde. Je me souviens surtout du contexte particulier des essais chronométrés. Dominique Gerbaud s'élançait dans la même série que moi avant qu'il ne stoppe son effort sur un ennui mécanique, et je ne sais pour quelle raison, j'avais dans l'idée que la sortie du drapeau jaune impliquait de devoir lever le pied. J'étais persuadé que les officiels allaient relancer notre série, ce qui ne fut bien sûr pas le cas, et je n'ai pu couvrir qu'un seul et unique tour. Par chance, cela ne m'avait pas empêché d'enlever le second meilleur tour derrière Steven Bossard.

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Lors de la première manche qualificative, Steven avait clairement survolé les débats tandis que, de mon côté, je devais être à la lutte avec Laurent Chartrain pour le Top 3. Je me souviens avoir croisé Steven le samedi soir, à la Manivelle. On avait échangé deux ou trois mots, mais sans nous étendre sur le sujet tellement nous étions tous les deux concentrés sur notre course. Cependant, le dimanche matin, la météo avait changé du tout au tout avec l'arrivée de la pluie. Tout le monde faisait grise mine sous la structure de David Deslandes. Il s'agissait de ma première course sous la pluie, donc soit je m'effondrais, soit je relevais le challenge pour permettre à tout le monde de retrouver le sourire. Et c'est ce que j'ai fait en remportant le gain de la seconde manche qualificative tandis que la troisième manche était revenue à Adeline Sangnier, mon équipière de l'époque chez Deslandes Sport. Grâce à sa performance, elle m'avait permis de récupérer, par ricochets, la pole position pour la finale.

De son côté, Laurent Chartrain avait été contraint d'en passer par la finale B. Quelques instants avant la finale A, Laurent est venu discrètement à moi pour me dire d'être vigilant au passage de l'épingle du circuit qui était noyée de gravillons. Il m'a incité à caler la voiture sur le vibreur pour éviter que je me fasse piéger avant d'ajouter: "Pour le reste, tu te démerdes comme tu peux pour la gagner".
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En 2011, on avait encore droit à un faux-départ, et dans ma tête, je voulais être absolument certain que personne ne tente de voler le départ sans que cela ne soit détecté par les cellules. Finalement, c'est David Olivier, depuis la seconde ligne, qui se montrera plus rapide que moi pour provoquer ce fameux faux-départ. Je peux vous dire que j'étais plus que rassuré de voir les drapeaux rouges s'agiter au bout de quelques mètres car, dans le cas contraire, David aurait réalisé le départ du siècle.
Heureusement, les choses se sont mieux passées me concernant lors de la seconde procédure. J'étais parfaitement vigilant et je me méfiais tout particulièrement du premier virage. Pourtant, cela ne m'a empêché de faire une très grosse faute à la fin du premier tour, ce qui a permis à Steven de revenir à hauteur de ma portière. Il y avait ce petit jeu d'intimidation entre nous. Un classique du Rallycross où les pilotes viennent se parler avant le départ d'une finale, mais ce n'était pas de nature à m'impressionner outre mesure. Par la suite, et même si je ne m'en étais pas rendu compte, ce fut une véritable foire d'empoigne derrière moi entre Steven Bossard et Laurent Chartrain, tandis qu'Adeline Sangnier avait été mise hors-course avant même le premier virage de la finale.
La seule chose dont je me souviens, c'est d'avoir pris le Joker Lap dans le dernier tour. Or, Steven avait arraché un morceau de vibreur de la taille d'une marche de trottoir avant de l'expulser en pleine trajectoire. Je n'ai pas été en mesure d'éviter l'obstacle, ce qui a eu pour effet de casser la chape de suspension et d'arracher les flancs des pneumatiques situés côté droit. Il est clair que si j'avais anticipé mon passage par le tour joker, jamais je n'aurais été en mesure de terminer cette course. Autant dire que ce fut un miracle que de m'imposer à Lohéac. Au moment où le choc a eu lieu, je me souviens de m'être montré très prudent dans le virage suivant où la voiture était en appui sur le côté droit. Je voyais les commissaires m'applaudir depuis le bord de piste, alors que de mon côté, j’espérais surtout être en mesure de terminer la course. Sans liaison radio, je ne me rendais pas compte que je disposais, bien heureusement, d'une avance assez conséquente sur mon premier poursuivant.
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Ce n'est qu'en franchissant la ligne d'arrivée que j'ai véritablement réalisé ce que je venais de faire. Surtout, outre Lohéac, je venais de faire tomber Steven Bossard, ce que personne n'était parvenu à réaliser depuis deux ans, le tout, 20 ans jour pour jour depuis le succès acquis par mon père lors de l'édition 1991. Je me rappelle surtout que mon père s'est retrouvé dans un état second tellement il n'en croyait pas ses yeux. Ses jambes tremblaient, et il avait l'impression que ses pieds n'étaient plus en contact avec le sol. Et puis, il s'agissait aussi de la première victoire de Deslandes Sport en tant que structure de compétition. Si David en avait accumulé pas mal en tant que pilote, il s'agissait de son premier succès en qualité de Team Manager.
Lohéac 2011 reste bien évidemment comme la plus grande course de ma carrière sportive, et c'est ce qui explique également les raisons pour lesquelles j'ai essuyé une sérieuse désillusion l'année suivante. A vrai dire, je n'ai toujours pas digéré ma seconde place obtenue dans le sillage d'Adeline [Sangnier]. Comme quoi, en seulement quelques mois, on peut basculer d'une situation à l'autre très rapidement, et ce, même si Adeline méritait sa victoire plus que tout note Julien qui, à l'image de nombreux prétendants à la victoire avait hérité d'une mauvaise série de pneumatiques fraîchement moulés par Kuhmo, le manufacturier officiel de l'époque en championnat de France.
Il est évident que le rêve absolu serait de pouvoir retourner à Lohéac. C'est une épreuve où le résultat, au final, importe peu tellement c'est particulier d'évoluer dans un tel contexte. Et ne parlons même pas du SuperCar, où le délire doit être total à la simple idée de s'aligner dans cette catégorie. Dans notre discipline Rallycross, on ne peut pas imaginer un événement plus grandiose. Une victoire à Lohéac doit avoir le même goût que pour un pilote de Formule 1 lorsqu'il s'impose à Monaco.
Lien vidéo caméra embarquée Julien Fébreau Lohéac 2011
Résumé vidéo Lohéac 2011

 

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